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Drôle de disque, sorti en triple vinyle dans les années 2000 et tout juste réédité en double CD : il n’a guère d’équivalent dans la discographie du groupe, bien plus noise, énervée et brûlée. Ici, le groupe (en fait un duo, constitué par Marcia Bassett et Matthew Bower de Skullflower) joue une musique très flottante, faite d’échos, de guitares en arpèges improvisées, de petites clochettes, de percussions évasives et de bruits de fond. Le tout est répété inlassablement, évoquant légèrement la même atmosphère hippie que le Dreamweapon légendaire de Spacemen 3. On ne sait pas exactement ce qui est joué, si tout est construit par petites touches,  ou improvisé en direct. Mais, c’est hypnotique comme le plus beau disque minimaliste, passé en mode lo-fi. Depuis, le groupe a cessé d’exister, et la réédition de cet album ne fait que marquer davantage encore le grand vide laissé par son absence et le grand vide surtout, qu’il laissait après cet album dont il n’a pas suivi tous les chemins esquissés, entraperçus, ne demandant qu’à être explorés sur d’autres enregistrements. Peine perdue : comme tous les beaux disques, celui-ci esquisse des futurs à l’existence impossible.

Pas facile de faire de la musique avec un nom pareil, qui renvoie aux antipodes du sexy et du désirable. Pourtant, il va à ravir à l’austérité des morceaux qui composent cet album tout juste sorti, mais composé et enregistré en 1994, juste avant que Neil Halstead, son instigateur premier, se mette en studio pour polir l’incroyable Pygmalion, troisième album de son premier groupe Slowdive. Pygmalion, des années plus tard, demeure un disque central, à l’épine dorsale tellement abstraite et flottante qu’on l’a longtemps cru sorti d’un corps sans organes, d’un corps en plein passage vers les spectres. On savait bien qu’en faisant ce dernier album de Slowdive, Halstead s’était mis à écouter autre chose que du shoegazing et du rock indé, qu’il s’était plongé dans la techno et la jungle. Zurich est un peu le chainon manquant, le galop d’essai vers Pygmalion, un document sonore de l’évolution d’Halstead vers l’abstraction et la musique atmosphérique : on y entend cinq morceaux, enregistrés avec Tony F Wilson (qui fera ensuite partie du groupe indus-goth Knives Ov Resistance) qui tendent vers un minimalisme décharné, osant des bribes de mélodie, des petites boucles d’accords tristes posées sur des bourdons mélancoliques. Est-ce bien là l’Angleterre des années 90 ? Impossible de s’en souvenir exactement, mais il est évident qu’il y a bien ici quelque chose de proche des plus beaux albums d’Aphex Twin, notamment le Selected Ambient Works 2, mais sans jamais sombrer non plus dans l’ambient à la Future Sound Of London ou The Orb, plus complexe et stratosphérique.  Zurich se tient dans la simplicité, le dépouillement, s’essayant parfois à une rythmique vaguement industrielle. On y entend aussi la voix de Sarah Peacock, chanteuse de Seefel. Sa présence fait bien le lien entre Halstead et Seefeel, groupe voisin, presque jumeau de Slowdive. Dans Zurich, en tout cas, on est pris par une petite musique de nuit, un moment de pesanteur que l’on pensait perdu, puisqu’à part un morceau édité à l’époque sur une compilation de Leaf Records, les bandes sont inédites. Retrouvées récemment, elles viennent d’être éditées par Important Records, sous la forme d’un vinyle à 500 exemplaires, tout blanc, tout hypnotique.

J’écoute beaucoup The Ocean of Milk premier album de Tongues of Mount Meru, pseudonyme adopté par Lasse Marhaug (dont les disques en solo ou sous le nom de jazzkamer sont plutôt très appréciés des amateursde noise post-merzbow) et Jon Wesseltoft (du groupe de Black Metal Thorns). Leur disques présente deux morceaux, un par face, qui sont de très abrasives montées bourdonnantes, statiques et dures, fondées sur la répétition d’un orgue électrique primitif. Je leur ai envoyé quelques questions par email. Voici leurs réponses, écrites par Jon (Lasse était en vacances)

Comment avez-vous démarré ce projet, et avec quelles intentions ?
Nous avons tous deux une passion pour les drones de la vieille école et la musique très longue, qui nous a décidé à nous réunir pour voir quelles idées nouvelles pouvaient émerger d’un travail en commun. Nous avons fait deux sessions d’enregistrement l’an dernier et tout a démarré de là, improvisant la musique presque sans aucun préparatif. Le nom nous est venu après de longues considérations sur ce qui correspondrait le mieux à la musique. Il fait référence à plusieurs vibrations et à une seule source dans les mythologies hindouiste et bouddhiste, Mount Meru  est un centre céleste, un point unitaire et Tongues (langues) pointe des vibrations, mais aussi des qualités individuelles et de la singularité. Tout cela était parfait pour correspondre à des drones.
Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Basiquement, nous avons enregistré ce que nous avons joué. Ensuite, les morceaux ont été édité pour correspondre à des formats spécifiques ou pour les renforcer. Les instruments étaient des oscillateurs, des amplis, un shruti petti et un accordéon  électrique.
Votre album est très intense. Quelle en était l’inspiration ?
Rien de spécifique. La musique est née de la situation dans laquelle nous étions, de l’équipement utilisé et de la période, celle des longs après-midis scandinaves ensoleillés. Nous apprécions tous deux le ravail de La Monte Young mais nous ne pensions pas à lui, spécifiquement. Nous aimons aussi les travaux d’Eliane Radigue, Charlemagne Palestine, CC Hennix, Yoshi Wada, etc.
Vos morceaux seront-ils tous forcément très longs ?
Oui, je crois que ce sera plus ou moins cela. Une musique comme celle-là a besoin de temps pour se développer et exige de son auditeur beaucoup d’attention.
Comment avez conçu la pochette qui a une sensibilité très hindou  ?
C’était une idée de Lasse et elle allait bien avec la musique, avec des connotations proches des vieux disques de musique électronique, tout en faisant un clin d’oeil vers l’Inde. La musique indienne n’est pas une influence directe, mais elle est à la source de toutes les musiques de drone. D’ailleurs toute la sensibilité drone autour de La Monte Young est connectée à Pandit Pran Nath, le maître de Young. Je suis moi-même très amateur de musique d’Inde, que je collectionne même sur cassettes, de toutes les traditions, raga et bajan, … Donc, pour moi, la musique longue, le raga, s’est infusée dans ce projet et sans doute pour Lasse aussi. A mon sens, cette musique est un des grands trésors mondiaux et je regrette qu’elle soit trop souvent réduite à de la « world » ou de la musique « ethnique ». C’est de l’ignorance pure et simple alors que c’est une musique tout aussi exigeante que la musique contemporaine électronique.
Langues, lait, éléphants : tout cela semble très organique, comme pour dire que la musique n’est pas faite par des machines.
Nous n’y pensions pas ainsi, mais c’est une bonne définition. Cela dit, ce n’est qu’un nom, sans déclaration formelle.Le lait fait référence à ce qui entoure le mont Meru.
Quels sont vos projets ?
D’autres disques sont prévus, mais pas de concerts. Si nous devions jouer, ce devrait être dans des endroits très spécifiques. Pas dans une salle de concert classique, mais dans la cave d’un vieux temple.