archive

Archives de Tag: expo 70

Depuis que j’ai découvert ses disques, il y a presque quatre ans maintenant, j’écoute toujours ce qu’il fait : c’est que Justin Wright, avec son groupe Expo 70, vise toujours juste, droit dans ce qui me plait et ses albums sont de plus en plus cosmiques et beaux. Ecoutez son plus récent, le double et fabuleux Where Does Your Mind Go : quatre longs morceaux, comme une annihilation mélodique et sourde de tout ce qui a existé auparavant. Justin m’a envoyé une liste de ce qu’il a écouté et qui est sorti en 2010. Voilà :

Geoff Mullen / Keith Fullerton Whitman « November 28, 2009 »
Electric Wizard « Black Masses »
Cough « Ritual Abuse »
Love Cry Want s/t
Moebius & Beerbohm « Strange Music » & « Double Cut »
Black Swan « In 8 Movements »
Jooklo Duo « The Warrior »
Black Mountain Transmitter « Theory & Practice »
Svarte Greiner « Penpals Forever (And Ever) »
Expo ’70 tour seeing all the bands I played with!

Les disques de Justin Wright, alias Expo 70, me touchent particulièrement, grâce à leur sens de l’espace, de la mesure infinie. Il se trouve que ce musicien s’occupe aussi de Sonic Meditations, un petit label sur lequel il édite des CDR et cassettes de groupes ou artistes proches de lui – certains ont joué dans Expo 70. Parmi la petite dizaine d’albums déjà sortis, il y en a un qui me parle tout particulièrement : Recitations de Das Energi, disponible en cassette ou CDR, au choix. Le nom est inconnu, mais se réfère à un classique de la littérature hippie des années 70. L’album sorti sur le label d’Expo 70 est d’ailleurs en plein accord avec cette vision du monde : décharné, il est joué sur une guitare que l’on suppose anémique, avec une ou deux pédales d’effet en fin de course, et son auteur pose sur la pochette en hippie torse nu, sorte de Jésus entouré de symboles pyramidaux, qui pourrait parvenir aussi bien de 1969 que de 2010. La musique est simplement belle, primitive, assise sur une mine de charbon appauvri, d’où ne sortent que quelques belles mélodies rares, qui se répètent le temps d’un morceau, le temps de s’installer, à peine, et s’évader, déjà. Une douzaine de morceaux, légèrement répétitifs, mais surtout étonnants de délicatesse, sans voix ni bruits, avec parfois un léger bourdon, mais qui semble provenir davantage d’une tristesse intrinsèque que d’une note tenue en arrière plan. Das Energi délivre en quelque sorte un antidote à tous ce qu’on n’a plus envie d’écouter : il dit que l’on peut faire une musique qui n’a rien de technologique, ni de technique, une musique qui existe simplement parce qu’elle est jouée là, directement. Beaucoup de lenteur, beaucoup d’espaces, un horizon comme rural, qui, lorsqu’il se rapproche de l’urbain, ne le fait que pour dire à quel point il aurait aimé faire partie d’un morceau de Fripp et Eno. La tension est là, entre l’hypnotisme et la candeur, la rêverie et l’ascétisme. Das Energi ne me quittera pas de sitôt, j’y trouve mon bout de la nuit.


Rien de plus simple que d’oublier des disques. En 2009, il y en avait trop à retenir. Passés à l’as : Sonic Messenger et Psychic Funeral d’Expo 70. Sous ce pseudonyme de groupe,  il n’y a qu’un seul musicien, un américain du Texas, qui explore depuis quelques années des musiques que l’on pensait réservées à l’Europe des seventies, à la clique autour d’Ash Ra Tempel et Cluster / Harmonia. Mais le bonhomme, Justin Wright (il n’y pas moins allemand comme nom), possède sans doute un sens du transport temporel lui permettant de s’échapper en 1071/1972/1973/1973 à peu près tous les jours, à peu près à chaque fois qu’il touche une guitare ou un synthétiseur Moog. Son Psychic Funeral est un double CDR sorti par le label Français Ruralfaune (je vous recommande tout ce qui y sort) à 75 exemplaires faits à la main sous une pochette post-psyché, post-odyssée de l’espace, post-pyramidal. Sur chaque CD, un seul morceau de 18 minutes, planant et triste, tout en intériorité et contemplation interne. Le genre de morceau que l’on écoute seul, qui ne se partage pas, que personne d’autre que soi, fatigué, ne peut comprendre. que peut-on jouer d’autre à des funérailles ? Jean-François Bizot avait demandé un jour à ce que l’on joue le Disco 3000 de Sun Ra : je ne sais pas si l’on a respecté sa volonté, mais il aurait peut-être bien aimé entendre, un jour, les entrailles mélancoliques d’Expo 70. Elles auraient bien leur place dans cet Actuel des temps modernes qui n’existera jamais.

Quelques disques qui me rendent plutôt volubile : un album d’Alice Coltrane sorti en 1977, longtemps négligé, mais qui m’apparait enfin comme un disque voluptueux, inspiré par la musique indienne, porté par des voix, des percussions organiques, une spiritualité joyeuse. A découvrir, vraiment. Ensuite, l’album Crystallized de Sinner DC, groupe suisse qui manie un savoir faire électronique et pop évoquant le meilleur du label Warp, mais avec une esthétique plus moderne encore. Il y là beaucoup de rythmes sourds, de cadences chaloupées, de chansons plus cosmiques que terrestres. La pochette, déjà, me fait rêver, tout en fausses strates et collages d’images trouvées au hasard. Les fans de Boards of Canada apprécieront cet album, élégant et joliment arrangé, lentement hypnotique. Moins électronique et bien plus psychédélique, le Night flights d’Expo 70 (alias l’américain Justin Wright, dont j’adore la musique) est un des albums de l’année, tout comme son précédent Black Ohms était l’un des disques de 2008. Ici, quatre morceaux gravés sur du vinyle bleu, explorent avec entrain des aires de guitares en strates et réverbérations, résonnantes à la manière de traines de feedback issues d’un solo stellaire. Il y a là du rythme, des vieux synthétiseurs et une immédiateté qui empêche cette musique très analogique de virer dans l’autisme : elle et  séduisante, embaumante. Ce qui est le cas aussi, mais en plus rugueux et brut, des drones « tropicaux » de James Ferraro, sortis sur deux albums jumeaux, Clear et Discovery, aux pochettes quasi identiques mais dont les disques cachent chacun deux morceaux composés de boucles filtrées et désarticulées, qui finissent par produire un drôle d’effet de chaleur moite bien en résonance avec la torpeur de ces jours-ci.