Séquelles de Hugues Micol



Lors d’une de mes premières visites dans les locaux de l’éditeur Cornelius, il y a presque 7 ou 8 ans de cela, on m’y avait montré un drôle de livre : 3 de Hugues Micol. Tout en dynamiques, évoquant parfois le travail de Frank Miller et Geoff Darrow, ce livre étonnait par son esthétique muette mais très rapide, presque futuriste. Depuis, j’ai toujours regardé avec intérêt les livres de Hugues Micol, mais sans jamais y retrouver la même puissance formelle qui sourdait de 3. Et cela même si Prestige de l’Uniforme, fait avec Loo Hui Phang, était un remarquable essai de réinvention du genre « super-héros ». Cette semaine, la lecture de Séquelles, publié par Cornélius, m’a réellement chaviré pour une poignée de raisons qui s’entrecroisent toutes. D’abord, Séquelles se lit comme une tentative de faire à nouveau de la bande dessinée d’aventures populaire (comme dans les années 60 et 70, au temps des petits formats, plutôt violents) mais avec une vraie liberté formelle et une envie constante d’inventions graphiques, toujours au service du récit. Ensuite, Micol décrit un monde qui est aux limites du réel et de l’imaginaire. Mais cela, ce n’est pas neuf. Ce qui est enthousiasmant chez lui, c’est bien sa capacité à brouiller les pistes, à présenter les éléments les plus étonnants comme faisant tout à fait partie du réel. Il invente pour cela une réalité imbibée de quelques indices fantasmagoriques, de quelques éléments dissonants. Le lire, c’est être tout à fait proche de l’univers « frankensteinien » d’un auteur comme Magnus (dont Cornélius réédite d’ailleurs la fabuleuse série Nécron). Mais c’est aussi, surtout, une plongée au coeur d’un dessin tout en noirceur, en charbon décontenançant. Micol dessine souvent comme s’il rebondissait d’une page à l’autre et en cela es manières évoquent bien celles d’un Frank Miller à l’époque où il réinventait le roman noir en le mixant avec des histoires de super héros – l’époque de Daredevil, bien avant les caricatures de Sin City. Micol a cette même fraîcheur, cette même naïveté qui animaient Miller dans les années 70 et 80, permettant toutes les audaces stylistiques et narratives, sans aucune boursouflure.
Séquelles est une sorte de suite à 3. Mais on peut s’en emparer comme d’un objet tout à fait non identifié, presque instable, qui surprend presque à chaque page tournée par une petite invention, un détail, un point d’achoppement qui donne envie de poursuivre la lecture. On est là au centre de ce que la bande dessinée peut produire de plus probant : raconter des histoires qu’il est impossible de dire ailleurs, impossible de montrer autrement.
Joseph Ghosn

1 commentaire
  1. Benjamin a dit:

    Effectivement, Séquelles est un livre enthousiasmant, expressionniste et onirique, avec des bagarres épatantes. Un des plus beaux albums de Micol, qu’on retrouvera en avril pour une BD avec David B.