Quoi ! ou le procès de Menu

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Attendu depuis plusieurs mois, depuis, en fait, l’annonce de la célébration des 20 ans de l’Asso, auquel il devait être une réponse directe, Quoi ! fait penser tout au long de sa lecture aux minutes d’un procès, celui de Jean-Christophe Menu plutôt qu’à une histoire contradictoire de l’Association.
Le procès de Menu, donc, mais sans que cette idée, avec les souvenirs de chacun réquisitionnés à charge, soit pleinement assumée. Le titre déjà, et la façon dont il a été trouvé, expliquée dès les premières pages, témoigne bien de cela : pris quasi au hasard, il dit bien, le point d’exclamation aidant, l’absence d’un angle et, en filigrane, pointe surtout la colère de ceux qui l’ont fait plutôt que le travail éditorial collectif. La colère et aussi la confusion qui règnent chez chacun des auteurs, surtout les principaux du livre (Trondheim, David B, Killoffer) : ces deux sentiments habitent le livre de bout en bout, dynamisent sa lecture, qui est très fluide, mais dynamitent foncièrement son propos. En le présentant comme une figure oscillant entre le pathétique et le dictatorial, l’alcoolique et le capricieux, les auteurs du livre font de Menu le sujet d’un procès par contumace qui, par contradiction avec ces attaques, donne envie au lecteur de lire la version de l’histoire par Menu. Ambivalent quasiment par essence, le livre montre des pages splendides de David B. Notamment celles, éclairantes et lumineuses sur les débuts de l’Asso et notamment une scène d’anthologie se déroulant dans l’appartement de Menu rue André Del Sarte à Paris, durant laquelle les autres auteurs sont mis à nu devant la bibliothèque qu’ils y découvrent. Mais, ces pages de David B sont à la longue minorées par les ressentiments personnels, l’absence de distance : l’équilibre se fait mal et la narration en souffre – plutôt que lire des auteurs, on a le sentiment de regarder des garçons en rogne, qui ont oublié de faire relire leur livre à un bon éditeur (il y a là des choses illisibles) qui aurait donné une direction, une cohérence à ce collectif souvent dépareillé.
On regrette, partant, l’absence d’une vision sur ce qu’a été le travail de l’Association, les livres produits, la ligne éditoriale de l’ensemble, au profit d’une idée plutôt molle et utopique d’auteurs cherchant avant tout un lieu où travailler sans patron. On regrette aussi les attaques qui parsèment le livre, contre les journalistes et la presse : penchant un brin populiste par les temps qui courent et peu crédible de la part d’auteurs qui n’ont jamais hésité à justement, s’étaler dans la presse. Au fond, ce livre relève d’un art adolescent du fanzinat, du règlement de comptes entre copains et pour initiés : on en attendait bien plus de la part de gens qui ont écrit et dessiné des livres aussi importants et saillants que L’Ascension du Haut Mal, Approximativement ou Pascin et qui ont, le temps d’un moment désormais loin derrière eux et nous, renouvelé la bande dessiné, sa pratique et sa perception.

3 commentaires
  1. CroCnique a dit:

    J’allais faire exactement le même post ! La lecture de « Quoi ! » m’a dérangé, j’ai trouvé ça bien pathétique, cette guéguerre et toutes ces attaques à l’encontre de Menu. Le livre manque franchement d’envergure et de distance. Les poubelles de l’Association ne m’intéressent vraiment pas !

  2. Je crois qu’il ne faut pas donner trop d’importance à ce livre.
    C’est juste la réaction à une situation pas tenable pour eux.
    Un besoin de vider leur sac effectivement.
    Quand menu fait le livre, vraiment pas terrible pour le coup, des 20 ans de l’asso sans les autres.
    Il se disent “alors, quoi est quantité négligeable” et il décident de faire un livre en réaction.
    Il choisissent ce moyen car c’est leur mode d’expression.
    Ce n’est pas un livre sur l’histoire de l’asso.
    C’est l’histoire d’une relation entre Menu et les autres . En ce sens c’est intéressant même si il manque, c’est sur, la vision de Menu.
    Tout ça est un peu triste donne un sentiment de gachis.
    Ce coté dépareillé, c’est peut être aussi ça la vrai cohérence. La confusion c’est un peu le maître mot de toute cette histoire. Chacun s’exprime à sa manière, et tout est mis ensemble sans souci de cohérence.
    C’est très brut. C’est peut être mieux ainsi, a quoi bon fignoler un livre comme ça. Il y a sans doute plus important à faire. Il n’empêche que certaine page de souvenir sont très belles. Moi je trouve que c’est un livre assez émouvant pour quelqu’un comme moi qui suit l’asso depuis le début. Rire, tristesse, colère, pitié : ces sentiment qu’on éprouve en lisant ce livre, c’est tout de même une des force de cet ouvrage. Mais, Sans doute, que ça ne s’adresse qu’a une minorité de gens. Une curiosité qui vient souligner l’importance et la singularité de cette maison d’édition hors-norme.

    Yassine