J’adore King Night de Salem. Et vous ?

La première fois que j’ai entendu Salem, c’était en 2008 lors de la sortie de leur premier single, Yes I Smoke Crack. Depuis, j’ai acheté tous les disques du groupe que j’arrivais à trouver : il n’y en a pas eu tant que ça, jusqu’à la fin de l’an dernier, avec l’arrivée de King Night, premier album précédé par une réputation de plus en plus sulfureuse et une position qui en effrayerait plus d’un : le groupe, en peu de temps, était devenu le chef de file de la witch house, nouveau genre mêlant pop ralentie, électronique de baltringue rouillée, influences droguées, citations bien placées du mythique DJ Screw, inventeur d’u son hip-hop singulier, implosé à la codéine. Parrainé par quelques blogs et magazines américains en ligne (pitchfork, etc.), Salem est vite devenu un objet de convoitise, un objet de mesure presque, de la pop de 2010.
Bizarrement, j’ai mis du temps avant de rentrer pleinement dans le disque. Je l’avais en mp3 – sous cette forme, il me plaisait, mais demeurait tout de même distant : il me semblait tenir là un disque important pour l’année, mais sans être certain qu’il serait essentiel pour moi. Puis, le basculement s’est produit après l’achat du disque (oui, même si j’ai les mp3, j’achète les disques – mais pas tous…) en vinyle : posé sur la platine, après avoir paressé trois ou quatre jours dans une pile, il s’est immédiatement ouvert, entrainant d’étranges brèches dans ma mémoire ravivée : le son du disque, ses morceaux, ses compositions, ses voix, son semblant de ralentissement éthéré du temps et de l’espace – tout cela me renvoyait aux premières fois où j’ai entendu Cocteau Twins ou My Bloody Valentine. Même sens de l’atmosphère brumeuse mais putride, même volutes hantées : Salem est un peu, pour mes oreilles, l’enfant de ces groupes-là, mais sans non plus céder à un sens trop précieux de la nostalgie. Comme un enfant plutôt qu’un héritier, Salem regarde vers le futur tout en ayant des traits évoquant quelques aînés plus ou moins prestigieux. Evidemment, il y a de quoi conjecturer : l’imaginaire autour du groupe, sa légende déjà droguée, pourrait faire croire qu’il n’y aura pas de suite. Pourtant, on se dit bien que l’on tient là un groupe qui a dépassé par la force même de sa musique le stade de l’anecdotique. Et qui pourrait bien se métamorphoser en un maillon essentiel de l’époque, au gré des années, des disques et d’une maturité à venir, mais dont on sent bien, déjà, toutes les germes en gestation.  Et puis, même s’il n’y avait pas de lendemain à ce King Night, ce ne serait pas grave, car le disque tient bien tout seul, il est hanté et tutoie avec une belle tension les années 2010 tout en redonnant espoir dans ce vieux mot jeune : la pop.

13 commentaires
  1. rigal a dit:

    tu parle toujours de musique etc,avec passion,cela deviens rare dans la presse d aujourdh’ui , découvert grâce a toi il y a deux ans,,pour l instant j ai écouté trois morceaux sur you tube,j accroche bien, trouvable en vinyle.??,c est buzz autour qui me fais un peu peur,une vrai hype

  2. Grosse claque quand j’ai découvert. ça m’étonne même qu’il y ai un buzz vu le son repoussant et infiniment triste du groupe…

  3. C’est marrant, je n’avais pas fait le rapprochement Salem – « King Night » avec les atmosphères brumeuses et les volutes hantées de Cocteau Twins ou My Bloody Valentine !!! C’est dingue comme chaque disque qui nous touche nous renvoie des références différents, parfois incompréhensible des autres !!!!
    Moi, ce disque ma fait penser, par certains coté, au groupe de gansta rap Onyx, surtout leur album « All We Got Iz Us » de 1995, disque remplis d’ambiances dark. Un Onyx version post-goth !!! Mais ce n’est que moi surement !!!

  4. CroCnique a dit:

    Moi c’est pareil, une force inconnue me pousse toujours à acheter les disques même si je les ai chopés en mp3 bien avant la sortie officielle, pourvu qu’ils aient un peu attisé mon attention. Question de génération je pense !

    Il m’arrive aussi souvent de découvrir pleinement un disque que je crois connaître quand je le mets en fond sonore et que je fais autre chose, mon inattention semblant paradoxalement décupler mon attention !

    Voilà c’est tout ! Sinon j’aime bien Salem, avec ou sans buzz, et Francky m’a donné envie de réécouter Onyx !

  5. ludo a dit:

    moi ça me fait penser à une liste des disques-vantés-souvent-mais-dont-je-n-ai-pas-saisi-les-qualités :
    1- these new puritans (??????????)
    2- autechre
    3- salem
    pour ces derniers, pour être sûr d’être tout à fait honnête, il faut que j’essaie à nouveau…

  6. globe sale a dit:

    Abusé quand même tous ces superlatifs pour un machin aussi immonde, pompier et mal fait, mais bon on y peut rien : c’est nul donc c’est bien, les crétins post-post-modernes se portent bien (cf Zola Jesus). Si je peux me permettre de glisser ma peau de banane, j’ai envie de dire que le disque me fait penser à du Crystal Castles en encore plus dégoûtant et mal foutu, mais vraiment pas plus ! Tu as un son de merde, des synthés bontempi boutonneux ? Pas de problème mec tu vas faire la pop de 2010 !

    (lance flammes)

  7. eyeless a dit:

    Je comprend ces réactions très fortes, lors d’un post sur FB un ami m’avait demandé comment je pouvais écouter quelque d’aussi immonde. Depuis que j’ai découvert cet album, je n’écoute pas grand chose d’autre. Un monde entier circule au travers de King Night. La lumière des ténèbres … J’attend le vinyl commandé fin décembre et si j’en crois Joseph …

  8. benoit a dit:

    Moi dans ma petite critique jai écrit à propos de ce disque « un mélange entre My Bloody Valentine et du hip hop underground sorti sur Def Jux, le tout arrosé de chillwave, de doom et de Dubstep »

  9. David S a dit:

    Cher Jo, pour ma part je n’ai absolument pas trouvé le moindre intérêt à ce disque qui me semble en dire long sur l’état de la scène « rock » actuelle – quand on voit que c’est « ça » que les journalistes en mal de sensations ont élu pour faire la hype des… disons des trois prochaines semaines ?… Je pense que si c’était un groupe de Saint-Etienne ou de Châteauroux qui faisait « ça » – des pauvres synthé trance des années 1990 mélangés avec un flow type punk à chien, sur une suite de morceaux de deux accords qui tous se ressemblent (je sais que c’est ça, l’ère iTunes : ça donne des albums avec que des morceaux identiques, comme si les musiciens voulaient être sûrs que les gens ne se plantent pas au téléchargement), le tout avec un son pourri -, personne n’y aurait jamais prêté la moindre oreille. Pour moi, c’est comme The XX : dans moins de 6 mois, plus personne n’en parlera, un pur truc de journalistes 😉 Je n’ai pas saisi l’analogie avec les Cocteau Twins, dont la bouillie sonore avait tout de même nettement plus de goût ! Tu l’a compris, ce disque m’a énervé – mais plus encore ce qui a été écrit à son sujet, comme souvent. Quand je pense que ça remixe Radiohead….
    Je retourne à mes disques de Christian Death, tout de même plus rigolos 😉

    • Perso, bien que le possédant depuis quelques mois, j’ai mis du temps avant de rentrer dans ce disque, étrange disque. Mais je comprend Joseph qui en parle très bien, son atmosphère glauque, ce mélange de shoegaze, d’électro(nica) déglinguée, de dubstep dark….
      Tu as peut être raison Joseph : Et si ce disque redonnait espoir à ce vieux mot jeune : la pop !!!!
      Il m’a même tellement scotché et envouté ce « King Night » que :

      -1- Je regrette de ne pas l’avoir mis dans mon top disques 2010
      -2- J’ai même écris mon ressenti, ma critique ici : http://muziksetcultures.over-blog.fr/article-salem-ou-les-rois-de-la-nuit-65013410.html

      A + !!!!

      • ludo a dit:

        anecdote ‘j’ai enfin trouver où écouter salem’
        je suis monté dans un petit village d’auvergne pour la fête du village. mon fils pourrait y retrouver ses cousin(e)s. je me livre pas, je situe juste géographiquement. vu ? y’avait là des autos tamponneuses et lady gaga tournait aussi. ça m’a fait penser à salem ??? plus tard, autour de quelques bières, j’ai sympathisé avec le gars des voitures en question. [nuit/jour] le lendemain soir, je suis revenu avec une copie de salem en poche et ai proposé au type de coller quelques morceaux dans les enceintes impuissantes qui se sont révélées idéales, accentuant la dimension grotesque (pas péjoratif) du groupe. c’est d’ailleurs passé comme aux ptt, personne n’a relevé (le nez du volant). j’ai aimé. voilà !
        mon fils a ramené un fusil à pompe et fléchettes, un porte-clés brillant dans l’obscurité et une épée de conquistador (selon lui). quant à moi, n’ayant pas d’autos tamponneuses chez moi, je n’écouterai sans doute plus jamais salem…