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Archives Mensuelles: novembre 2009

Trois excellents disques légèrement cold, chacun dans son genre, ou presque. Le premier est dû à un groupe anglais dont il s’agit là du premier album, sorti par Desire, nouveau label fondé par Jérôme Mestre (ancien Rough Trade Paris, qui avait fondé le label Artefact et actuel rédacteur en chef du site Fairtilizer). Project:Komakino évoque en creux le son des groupes de Factory, de la première période, entre Joy Division et Section 25, avec une rythmique froide et acérée, un chant caverneux qui semble surgir d’entrailles désarticulées, démontées et recomposées. Les morceaux jouent sur une rigidité formelle comme pour mieux se dévoiler engagés, habités par une conviction, au moins musicale, qui dépasse le pastiche ou l’hommage. Le groupe cite Malevetich sur sa pochette et l’on n’avait plus croisé ce genre de référence depuis une vingtaine d’années : comme retrouver un ami disparu avec lequel on a toujours beaucoup à échanger. L’album est complété par quatre remixes qui jouent sur la corde sensible, prolongent les atmosphères délétères (notamment le mix d’Age of Satisfaction par Motorama) ou mènent la musique ailleurs comme le fait E-Gold. Tout aussi chargé de réminiscences, le triple CD de Leyland Kirby (connu aussi sous le nom de The Caretaker), Sadly The Future Is No Longer With Us, est un étrange ouvrage difficile à assimiler d’une traite. Longues plages faussement monochromes, mêlant échos de piano, réminiscences vocales, drones planants. Plusieurs références surgissent, comme pour tenter de comprendre le cheminement de cette musique, mais c’est sans doute la pochette qui fournit les meilleures clés : elle représente une caisse en bois, typique de celles qui servent à transporter des tableaux. A l’intérieur de la pochette, trois CD sont rangés chacun dans une pochette représentant une toile, recto-verso. Les signes ne trompent pas, la musique de Leyland Kirby se veut contemplative à la manière d’un tableau devant lequel il faut passer du temps, se plonger entièrement. La musique d’Elm, alias la moitié du groupe Barn Owl, est moins cérébrale, mais tout aussi bourdonnante et planante. Là où Kirby semble construire sa musique à partir d’un ordinateur, Elm fait l’inverse et joue de plusieurs instruments filtrés dont une guitare évoquant, lorsqu’elle s’électrifie, celle de Stephen O’Malley. Les dessins de la pochette, là encore, donnent des indices : signés Katie Boyles, ils sont raffinés et mystérieusement organiques. Elm, dit-on, fait de la musique du désert. Disons plutôt qu’il fait une musique pour cerveaux et coeurs désertés, au bout  d’un chemin froid.

 

Depuis que je l’ai, impossible de me défaire de ce disque. J’adore Broadcast depuis longtemps, et chaque nouvel album me rapproche un peu plus de ma compréhension d’eux, de ma connaissance de mon amour pour le groupe, ses mélodies, son dérèglement, sa manière d’agencer et dispenser le monde, d’en faire un miroir où se reflètent en cohabitant toutes les fantaisies m’ayant jamais traversées l’esprit, le coeur. Ce nouvel album est fait avec The Focus Group
(du label Ghost Box, très prisé des amateurs de Hauntology – pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, il parait que Chronicart prépare un dossier sur le sujet : j’ai hâte de le lire). On y entend des vignettes plutôt sans paroles, oniriques, électroniques, réverbérantes de l’intérieur, souvent ambient, parfois déséquilibrées. Lorsque le chant est là, je le trouve si lumineux et perdu en même temps que j’ai l’impression de l’avoir toujours connu là, pas loin. Il y a dans tout cela quelque chose de cinématographique, comme une utopie des années passées capturées en musique : ces musiciens-là doivent vivre dans un autre espace-temps, leur monde est celui qui me parvient dans des vieux films de la Hammer, de Tigon, de ces années étroites entre la fin du Flower Power, du Swingin’ London et les premiers attentats terroristes, le premier choc pétrolier, les années du plastique qui était beau, avant de perdre la trace de Steve Ditko, les années où nous sommes nés.

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Trois numéros d’IMPOSSIBLE viennent d’être imprimés. Les numéros 3 & 5 seront en vente au Salon Light ce week-end à Paris, et le 6 au Winter Show d’Arts Factory en décembre. Ils seront aussi en librairie. Je n’en ai aucun, pas la peine de me les commander.

newsletterbolexlightCe week-end au Point FMR (vendredi, samedi, dimanche) se tient le Salon Light où l’on peut trouver tous les ans les plus beaux et intéressants fanzines, publications introuvables ailleurs, livres d’artistes, disques aux pochettes faites à la main, etc. Arts Factory y tient un stand où l’on pourra se procurer leur dernier ouvrage, un cahier dessiné par Blexbolex. On devrait aussi trouver sur la table d’Arts Factory les deux nouveaux très beaux numéros d’Impossible…

Un nouveau numéro de la revue de dessins Rouge Gorge vient de paraitre, avec des artistes de la Réunion. J’ai posé quelques questions par email à l’un des instigateurs de la revue, Jose Maria Gonzalez. Voici notre échange.


Quelle idée générale sous-tendait la mise en oeuvre de ce nouveau numéro ?

Il n y a pas de thématique aux expositions et aux revues, sinon des rencontres graphiques d’artistes d’horizons divers. Temps de rencontres et d’échanges, de travail, mais aussi espace de partage d’expériences et de rencontres humaines à travers des workshops qu’Antonio animait la-bas (cette année, co-animés par Barthélémy Toguo) en marge des expos.
Le dessin que l’on trouve dans Rouge Gorge est à l’intersection du dessin d’humeur, d’humour, du dessin de presse, du dessin plasticien et des formes graphiques expérimentales issues du graphzine. Particularité donc, cette année, en plus des artistes réunionnais et métropolitains sont invités quelques artistes d’origine africaine : Barthélémy Toguo, Bouabré,Cinthia Phibel… et pas mal d’artistes urbains (Jace, Ligne Rouge, Psyckoze, Kid Kréol …).
Par ailleurs il y a quelques artistes invités dans Rouge Gorge qui n étaient pas dans l expo:Killoffer,Gianni Burattoni, Guillaume Pinard avec qui nous voulions retravailler avec cette volonté toujours de plus de rencontres.
Nous avons aussi la chance, cette année, d’avoir des dessins de l’artiste et tatoueur américain Mike Giant ou du sculpteur Jimmie Durham;
des dessins de Rocco, Jochen Geerner, Marine Le Saout, Albert Foolmoon plus près de l’illustration et les dessinateurs du collectif Modèle Puissance.
Au total, une cinquantaine d’artistes de nationalités diverses aux écritures tout aussi singulières.

Par quelles circonstances avez-vous réuni des auteurs de la Réunion ?
En fait de circonstances, c’est la troisième année consécutive que Rouge Gorge est invité par la région Réunion et la galerie Béatrice Binoche. Ils ont mis
en place une collaboration avec nous qui défendons le dessin sous toutes ses formes à travers des expositions et actions (la Maison Folie de Wazemmes à Lille 2005/Invités à La Force de l’Art au Grand Palais, Paris 2006/Trait d’esprit,Trait multiple au Forum de Blanc-Mesnil 2008)
Nous avons donc montés en 2007 une première expo intitulée « ROUGE GORGE, DESSIN D’ESPRIT  » avec des artistes de la Réunion, des artistes chinois et des artistes métropolitains (Olivier Nottellet, Béatrice Cussol, Claire Jeanne Jézéquel…). Nous étions aidés par Martina Koppel-Yang pour sa connaissance de la scène artistique chinoise (Yang Jiechang, Shen Yuan, Chen Tong…) et Béatrice Binoche qui nous fait rencontrer des artistes réunionnais (Gabrielle Manglou, Stefan Barniche, Jace …)
En 2008, nous sommes de nouveau invités à un commissariat, l’exposition s’appellera TRAIT CONTEMPORAIN avec, toujours, des artistes de la Réunion, des artistes métropolitains et des artistes indiens :nous sommes alors aidés par Francine Méoule, spécialiste de l’Inde(Avishek Sen,Kamin Lertchaiprasert…).
2009, troisième volet, donc, de cette série de rencontres entre artistes d’horizons et nationalités diverses: l’exposition a lieu en ce moment à la galerie Béatrice Binoche et nous l’avons appelée TRAITS COMPLICES ; nous avons été aidés cette année par Barthélémy Toguo pour le commissariat des artistes africains
(Franck Ludangi, Frédérique Bruly Bouabré, Assan Smati…).
A chaque exposition sortira un nouveau numéro de notre revue Rouge Gorge avec au sommaire tous les artistes invités.

Qu’apportent-ils de neuf, de différent, à Rouge Gorge ?
Des invitations d’artistes de pays si différents que la Chine, l’Inde ou l’Afrique que l’on fait se rencontrer aux artistes de la réunion ou de la métropole apparaissent comme primordiales et servent notre propos: notre revue synthétise le dessin contemporain en exposant sa diversité dans le but de décloisonner les domaines.Rouge Gorge a toujours été dans le sens du mélange des genres en invitant des artistes qui pratiquent le dessin dans la différence. Et à travers ces rencontres et ce médium , il y a la volonté de susciter le dialogue entre plusieurs cultures et plusieurs générations de dessinateurs.

Comment percevez-vous l’évolution de Rouge Gorge en 10 numéros ? Vers quoi avez-vous envie de tendre pour les numéros à venir ?
Rouge Gorge se met doucement en place :un numéro et demi par an en moyenne. Il est souvent lié à des évènements, des expositions dans des centres d’art où nous sommes en résidence ou pour lesquelles nous sommes commissaires, Antonio Gallego et moi. Le premier numéro de Rouge Gorge était une aventure de copains de Beaux-Arts qui se retrouvaient,  il y a dans les derniers une vraie volonté de surprendre dans nos rencontres, de faire du lien entre dessinateurs apparemment opposés.Tous ces artistes sont là pour leur passion du dessin. (de l’artiste Franck Rezzak,à la très jeune et prometteuse dessinatrice Inés Di Folco).
On ne sait pas de quoi est fait l’avenir et vers où nous porteront les mers (le capitaine La Buse croisa dans ces eaux autrefois, dit-on); nous avons beaucoup d’idées, introduire un peu plus la photo (comme nous l’avons déjà fais dans ce numéro avec le travail de Mathieu Renard,Mwilambwe Bondo Vitshois…) et peut être inviter un ou deux écrivains :à voir tout ça…